Lorsque l’on parle d’un préjudice moral, on ne peut s’empêcher de se demander à quoi ça correspond. D’autant que l’on entend de plus en plus souvent à la radio des jugements rendus qui évoquent des montants importants en matière de préjudice moral.
Souvenez que Bernard Tapie s’était vu accorder en 2008 la somme inédite de 45 millions d’euros au titre du préjudice moral !
Certes cette décision a été annulée depuis, mais elle avait mis en lumière cette notion de préjudice moral.
Dans quels cas peut-on prétendre à une indemnisation du préjudice moral ?
Certes cette notion de préjudice moral peut intervenir dans le droit des affaires ou dans l’exécution des contrats.
Ainsi, par exemple, un recours devant le tribunal administratif peut permettre de faire valoir un préjudice moral.
Mais ce n’est pas le seul domaine où cette notion peut intervenir. Elle peut aussi être invoquée dans le cadre d’une action contentieuse.
Qu’est-ce que la jurisprudence a retenu en matière de préjudice moral ?
Pour ce qui est du préjudice moral, il faut savoir que le juge n’hésite pas à reconnaître la réalité de ce type de préjudice, quel que soit le cadre dans lequel il est invoqué.
Par exemple, si vous êtes victime d’une violence morale dans le cadre d’un conflit familial, vous pouvez envisager de déclencher des poursuites devant le juge aux affaires familiales ou en cas de divorce.
Le préjudice moral peut également être invoqué devant les juridictions pénales pour faire valoir les souffrances morales subies par une personne qui a été victime d’agressions ou d’accident. C’est d’ailleurs dans ce domaine que cette notion concerne le plus de personnes. Et si vous lisez cet article, c’est peut-être précisément que vous êtes en train de vous poser la question de savoir si vous pouvez prétendre à une indemnisation au titre de préjudice moral, suite à un accident ou une agression dont vous-même ou un de vos proches avez été victime.
Le préjudice moral est de plus en plus reconnu dans le cadre d’affaires concernant un accident de la route ou un accident de travail (lisez cet article pour comprendre comment il est alors évalué)
Une victime qui a subi un lourd préjudice psychologique suite à un accident de la route peut demander une indemnisation du préjudice moral, elle aussi importante.
La victime d’un cambriolage, d’un vol ou d’une agression peut également demander une indemnisation au titre du préjudice moral. Toute la question devient alors : comment l’estimer.
Le principe juridique de base
La loi prévoit, et c’est un des principes juridiques les plus importants que tout dommage causé à autrui exige réparation. Indépendamment de toute loi, c’est un principe moral.
La réparation est généralement assurée par des dommages et intérêts payés par le responsable du dommage s’il est identifié ou par les assurances qui couvrent ces dommages dans de nombreuses situations : accident de la route, accident de la vie courante, etc.
La question de la responsabilité civile des professionnels est également concernée par le sujet. L’article 2262 du Code civil français précise que « chacun a l’obligation de prendre, en ce qui le concerne, les précautions normales, pour éviter les dommages causés par son fait à autrui ». Cette obligation peut se retrouver dans le contrat qui lie un client à son prestataire.
Le côté moral
Le préjudice moral est un préjudice non matériel qui est subi par la personne lésée. C’est un dommage intime, non quantifiable, ou en tout cas, et c’est tout le problème, difficile quantifiable. Il résulte de l’atteinte à la dignité ou à la vie privée d’une personne. Le préjudice moral peut être causé par une infraction pénale. Ce type de dommage peut résulter d’une atteinte à la vie privée, à la dignité ou encore à la santé humaine.
Le préjudice physique et le préjudice moral sont-ils distincts ?
En matière de réparation du préjudice corporel (quand vous avez subi une agression ou que vous êtes victime d’un accident), ils sont en général distincts mais … indissociables. Le préjudice moral est lié au fait qu’il y a eu préjudice physique : vous devenez tétraplégique alors que vous étiez un grand sportif ? Un préjudice moral (la perte de vos espoirs de victoires futures sur les stades) est directement généré par le préjudice physique. La loi prévoit donc qu’il y ait réparation pour les deux types de postes de préjudice.
Un préjudice est un dommage que l’on peut estimer
Après un accident grave, la victime et ses proches peuvent souffrir de blessures invisibles et disent alors : « mon accident m’a causé un vrai préjudice moral ».
En réalité, avant de parler de préjudice, il faut d’abord parler de dommage. Le dommage est le résultat d’un accident. Il désigne l’ensemble des conséquences qui peuvent résulter de la survenue d’un événement. Le dommage est le résultat d’un accident survenu à la victime, qui a entraîné un préjudice matériel ou moral.
D’une manière générale, le préjudice correspond à un dommage que l’on peut estimer.
A partir de là, on va pouvoir se mettre d’accord (par arbitrage ou en demandant au juge de trancher) sur le montant de la réparation, et donc, de l’indemnisation. Si l’on en reste à une notion trop floue, par exemple, si l’on s’en tient à des considérations du type « cet accident m’a causé en suite beaucoup de stress », on comprend bien qu’il sera difficile de mettre un chiffre en face.
En matière d’accident, d’agression ou plus généralement de dommages corporels, de nombreuses règles ont été édictées avec le temps, afin de permettre de n’oublier justement aucun poste de dommages et d’apporter de la précision. Et notamment, d’évaluer correctement le fameux pretium doloris (prix de la douleur) que l’on appelle désormais souffrances endurées. Depuis peu, les juges se réfèrent à la nomenclature Dintilhac. Cette nomenclature a résulté du travail d’un groupe de travail, sous l’impulsion de Madame Nicole GUEDJ, secrétaire d’Etat aux droits des victimes en 2004. Ce groupe de travail a été dirigé par Jean-Pierre Dintilhac, président de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation.
La nomenclature Dintilhac a permis de mieux mettre en évidence ces préjudices moraux et de contribuer à leur prise en compte dans les indemnisations de dommages corporels.
Il concerne aussi les proches de la victime
Un préjudice moral peut ainsi être causé par la mort d’une personne aimée. La loi prévoit que le conjoint, la personne liée par un pacte civil de solidarité ou les enfants peuvent bénéficier d’une indemnisation si la victime décède à la suite d’une infraction, d’une agression ou d’un accident.
Ainsi peut être indemnisé le préjudice moral de ce que l’on appelle les victimes par ricochet. Si le conjoint de la personne qui a perdu la vie dans un accident de voiture ou sur le lieu du travail, voit sa vie bouleversée, elle subit un préjudice moral par ricochet. Âgé de 4 ans, un enfant peut aussi être lésé par la mort d’un parent. En effet, s’il est privé d’un père ou d’une mère, il souffre d’un préjudice moral.
Les victimes par ricochet peuvent donc être indemnisées à titre de préjudice moral. L’indemnisation du préjudice moral est alors une reconnaissance de la douleur endurée.
Il est invoqué dans de nombreuses situations
Le préjudice moral peut être invoqué en cas de violation du droit au respect de la vie privée. Il peut s’agir de diffamation, d’injure, d’atteinte à l’intimité de la vie privée, de violation du secret de la correspondance et du secret professionnel, etc…
Il faudra alors prouver que le préjudice moral est dû à une atteinte à la vie privée.
Il existe d’autres cas où le préjudice moral peut être invoqué sans que l’infraction soit constituée : il s’agit des infractions économiques. Il s’agit principalement des infractions relatives à la concurrence déloyale.
Le préjudice moral peut aussi être invoqué en cas de discrimination.
La réparation du préjudice moral peut être limitée à certaines situations. Il est possible de limiter la réparation du préjudice moral si le fait générateur de ce préjudice a été commis par une personne qui a agi en état de légitime défense, par exemple, s’il s’agit d’un accident ou s’il s’agit d’un acte accompli par une personne agissant sous l’effet de la contrainte.
La réparation du préjudice moral peut aussi être limitée si le fait générateur du préjudice a été commis par un mineur. Il existe une distinction entre les mineurs de moins de treize ans et les mineurs de plus de treize ans ; le préjudice moral n’a pas les mêmes conséquences selon qu’il est subi par un mineur ou un majeur.
Il doit être évalué en fonction de chaque situation
Les conséquences de tout dommage corporel, à savoir les éventuels interruptions temporaires de travail, le préjudice esthétique, l’invalidité catégorie 2 et travail, etc. doivent être appréciées en tenant compte des spécificités de chaque victime. En fonction de chaque situation, les répercussions psychologiques seront différentes. Et c’est là que l’avocat intervient pour s’assurer que le pretium doloris psychologique est correctement pris en compte.
une douleur physique considérée comme faible selon les barèmes des experts sera chiffrée de la même manière sur le plan de l’indemnisation si l’on n’intègre pas l’aspect psychique. Or, en fonction de la situation individuelle de chaque victime, les répercussions d’une jambe cassée ne seront jamais les mêmes. Et par conséquent, les souffrances psychologiques qu’elle entraîne doivent être calculées en fonction des conditions de vie de chaque patient.
On le comprend, le préjudice moral peut être invoqué dans de nombreuses situations. La grande difficulté sera bien sûr de prouver l’ampleur du dommage causé, quand il est moral. S’il s’agit d’accident ou de dommage corporel, on pourra donc s’appuyer plus facilement sur la nomenclature Dintilhac qui, désormais, est une sorte de guide qui permet aux experts médicaux et juristes de parler à peu près le même langage.
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